Un jour, le monde a tremblé.
Un jour, ceux qui riaient ce sont tus ; ceux qui savaient ont dit nous vous avions prévenus. Les lanceurs d'alerte et les visionnaires, les marginaux qu'on regardait de travers – ils étaient ceux qui avaient senti venir l'effondrement du monde avant son heure. Quand les géants continuaient de détruire impunément, quand dans les rues grondaient des tonnerres de révolte qu'on matraquait – des esprits libres, en colère et révoltés qu'on étouffait.
Ils l'avaient prédit – et cent fois murmuré, mille fois hurlé : ce monde court à sa perte. Ils ont demandé, encore et encore, est-ce que c'est ça, le monde qu'on laisse à nos enfants ?
Mais personne n'a écouté.
Personne ne les a crus – ces illuminés.

Le monde leur survivrait.
Évidemment, ils n'avaient pas compris – que ce n'était pas de la planète qu'on parlait, mais des hommes et de leurs droits prétendument acquis et qu'on prétendait presque innés. Des libertés essentielles. Du droit d'être, de choisir, de faire erreur et de recommencer.
Ils n'avaient pas compris – que c'était leur droit d'être des imperfections par essence auquel ils renonçaient, pour devenir les atomes d'une matrice immense à laquelle ils cèderaient tous leurs rêves et leurs pas de côté.

Le monde a tremblé – dans les livres d'histoire on parlait de révolution ; au présent c'était de feu et de sang. Des pleurs sous les toits, des angoisses sous les peaux, des grisailles dans les yeux – de la suie sur les murs et de la poudre sous les doigts. Tirs permanents dans les rues, inquiétude sans interruption.
La tête du roi d'Amérique est tombé – Président déchu qu'on avait condamné.

La paix saccagée, la violence que les astres avaient promis s'étalait sous les yeux des idiots qui s'étaient crus intouchables et couronnés.
Les états, divisés, s'étaient arrachés les uns des autres – déchirés. Des microcosmes d'États-Unis s'étaient installés sur le territoire. New York s'était retranchée seule, coupée des ruines limitrophes.
Entre les tours des buildings, une rumeur s'était élevée, incroyable et terrifiante, qui fut longtemps démentie, puis distillée à petite dose dans les esprits.
Seul le Japon, au milieu des guerres, s'était relevé ; paisible depuis des années, soumis à l'ordre d'une entité immatérielle, d'une IA prodigieuse à la morale infaillible. Cette science infâme et fabuleuse, de grands fous aux idéaux malades l'avaient observée, analysée, minutieusement reproduite à leur façon.
Les hommes avaient protesté, parfois disparu, et ceux qui restaient s'étaient tus.
La vie était devenue ainsi.

Ils s'étaient presque habitués, au fond, à ce que la justice ne soit plus qu'une épée de Damoclès au jeu binaire au dessus de toutes les têtes.

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